Petit pays par la taille, l’Estonie est un géant du numérique. Après la dislocation de l’URSS et en moins de 30 ans, ce petit pays balte s’est reconstruit en pionnier de l’innovation technologique, développant un écosystème entrepreneurial fleurissant. Récit d’une révolution à succès.
Créer une startup à distance en 15 minutes, le rêve pour tout entrepreneur. L’Estonie, première place mondiale de l’indice de digitalisation, en fait une réalité. Ce royaume de la dématérialisation, véritable démocratie numérique, continue de bâtir sa réputation de startup nation. En effet, au cœur de la «Silicon Forest» estonienne, on compte une startup par 1.000 habitants, ratio inégalé en Europe. Les chiffres donnent le tournis: 10 licornes pour 1,3 million d’Estoniens et environ 2.000 euros investis par habitant contre 140 euros en moyenne en Europe. Derrière les chiffres, des histoires à succès, comme celle de Skype. Avec sa capitale typique Tallin, plus de 1.500 îles et un territoire peuplé de forêts, l’Estonie est un état nordique étonnant, mêlant racines baltes, héritage soviétique et modernité européenne.
Comment expliquer son identité résolument digitale? Paradoxe de l’histoire, son passé soviétique a joué un rôle clé dans sa révolution digitale, puisque, dans les années 50, les républiques baltes étaient les centres de développement informatique de l’URSS. Le début d’un «miracle» numérique…
De l’Union soviétique à la démocratie numérique
En 1991, après la chute de l’URSS, contrainte par des moyens limités, la future e-nation fait le pari de la dématérialisation généralisée. Un levier pour fédérer sa société, porté par le secteur public et soutenu par le privé, notamment les banques. Les étapes s’enchainent: un programme de développement d’infrastructure numérique (1994), les prémisses de la banque en ligne (1996), les déclarations d’impôts digitales (2000), etc. Au début du 21e siècle, un système d’échange de données chiffré de bout en bout (X-road) vient relier tous les services de l’État, créant les conditions de l’e-carte d’identité et du vote électronique. Dès 2008, le petit pays balte pariait déjà sur la blockchain pour chiffrer et protéger ses données. Aujourd’hui, l’Estonie récolte les fruits entrepreneuriaux de cette construction, mais sans se reposer sur ses lauriers numériques…
1. Une société 100% digitale
En Estonie, le numérique n’est pas un gadget, c’est un mode de vie, où le papier a disparu. Voter, signer un contrat ou déclarer ses impôts, 99% des services publics sont disponibles en ligne et interconnectés. Plus qu’une infrastructure digitale, c’est le symbole d’un état d’esprit: être au service du citoyen, qui ne doit jamais communiquer une même information plus d’une fois. Cette digitalisation massive a créé un écosystème naturel pour les pépites tech, qui peuvent s’appuyer sur une population déjà acquise au numérique.
2. Un État-plateforme en action
Où ailleurs peut-on créer une startup en 15 minutes? Dance cet État-plateforme numérique, le programme e-résidence est un fleuron. Lancé en 2014, ce projet permet à toute personne de créer et de gérer une entreprise estonienne, depuis n’importe où dans le monde. Plus de 25.000 sociétés ont ainsi été créées par plus de 100.000 e-résidents. Pas de paperasserie, pas de déplacements physique, pas de bureaucratie, le pays balte a créé un terreau fertile pour l’entrepreneuriat.
3. Une culture numérique dès le berceau
Même les crèches estoniennes ont leurs programmes d’initiation au numérique. Dans ce pays, la programmation compte autant que les maths et l’alphabétisation. Idéalement classé au classement PISA de l’éducation, l’Estonie est un exemple de formation précoce au numérique, créant un vivier naturel de futurs entrepreneurs techs. Une culture qui a infusé tous les pans de la société, facilitant ainsi l’accès aux capitaux pour les jeunes pousses.
4. Une fusée nommée Skype
En 2003, trois développeurs estoniens – Ahti Heinla, Priit Kasesalu et Jaan Tallinn – sont à l’origine de Skype. Vendu 2,6 milliards de dollars à eBay en 2005, le logiciel de téléphonie sur Internet déclenche une révolution entrepreneuriale en Estonie: plus de 900 nouvelles entreprises naissent dans les mains d’anciens employés. Cette «Skype Mafia» a financé et guidé la génération suivante: Jaan Tallinn investit dans plus de 200 startups, dont Anthropic; Taavet Hinrikus, premier employé de Skype, cofonde la fintech Wise, etc.
5. Un paradis fiscal pour entrepreneurs
Pour alimenter son écosystème entrepreneurial, l’Estonie a révolutionné sa fiscalité, via un système unique: 0% d’impôt sur les bénéfices non distribués et réinvestis. Une entreprise estonienne ne paie donc pas d’impôt, tant qu’elle réinvestit ses profits dans sa croissance, encourageant naturellement l’innovation. D’ailleurs, le petit pays balte possède le meilleur code fiscal de l’OCDE depuis 11 années consécutives. Difficile de trouver meilleur environnement pour les jeunes pousses!